Surpopulation "inacceptable", invasion de rats, "usage banalisĂ© de la violence" par les surveillants la contrĂŽleure des prisons, Adeline Hazan, a dĂ©noncĂ© mercredi 14 dĂ©cembre, dans une sĂ©rie de recommandations, les conditions de vie "indignes" de la prison de Fresnes, dans le Val-de-Marne. Ces recommandations se basent sur une visite de deux semaines, effectuĂ©e dĂ©but octobre par des agents du contrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ© CGLPL.La suite aprĂšs la publicitĂ© Ils ont relevĂ©, dans la maison d'arrĂȘt pour hommes, des "dysfonctionnements graves qui permettent de considĂ©rer que les conditions de vie des personnes dĂ©tenues constituent un traitement inhumain ou dĂ©gradant", contraire Ă la Convention europĂ©enne des droits de l'homme. "Rats, cafards, punaises... Surveillant de prison Ă Fresnes, je travaille dans un taudis" Un taux d'occupation de 188% La "rĂ©novation" de l'Ă©tablissement, construit Ă la fin du XIXe siĂšcle, est considĂ©rĂ©e comme une "urgence". Selon le rapport, le taux d'occupation moyen atteint 188%, le nombre de dĂ©tenus - prĂšs de - a augmentĂ© de plus de 52% en dix ans. Plus de la moitiĂ© vivent "Ă trois dans une cellule" standard d'environ 10m2, un tiers Ă deux, et seulement 13% sont suite aprĂšs la publicitĂ© Photo prise pendant la visite des agents du CGLPL Une situation "trĂšs en-deçà des normes fixĂ©es par le ComitĂ© europĂ©en pour la prĂ©vention de la torture", relĂšve la contrĂŽleure. Rats et maladie L'hygiĂšne de l'Ă©tablissement est "dĂ©sastreuse", selon ses services, avec des rats qui "Ă©voluent en masse au pied des bĂątiments". Le tribunal administratif de Melun avait dĂ©jĂ ordonnĂ© dĂ©but octobre Ă l'Etat d'"intensifier" les actions de dĂ©ratisation Ă Fresnes. En 2016, deux dĂ©tenus y ont contractĂ© la leptospirose, maladie potentiellement mortelle transmise par les suite aprĂšs la publicitĂ© Les espaces extĂ©rieurs infestĂ©s de rats Fresnes souffre par ailleurs d'un personnel en sous-effectif, composĂ© d'environ "70% de stagiaires". Dans une prison oĂč un seul surveillant a environ 120 dĂ©tenus sous sa responsabilitĂ©, le respect de leurs droits fondamentaux est "structurellement impossible", argue la contrĂŽleure. La violence banalisĂ©e des surveillants Soumis Ă un "climat de tension permanente", les surveillants ont dĂ©veloppĂ© "un usage banalisĂ© de la force et des violences". A Fresnes, "la fouille Ă corps devient la rĂšgle et non l'exception" et le personnel peut placer "pendant de longues heures" les dĂ©tenus dans des "salles d'attente" surnommĂ©es "placards", sans sanitaire ni point d'eau. Trois surveillants ont rĂ©cemment fait l'objet de mesures disciplinaires, relĂšvent les contrĂŽleurs. L'accĂšs au parloir dans un Ă©tat de dĂ©labrement En rĂ©ponse Ă ces observations, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a rappelĂ© dans une lettre que le budget 2017 prĂ©voit de lancer la construction de trois maisons d'arrĂȘt en Ile-de-France pour dĂ©sengorger les prisons. Il a aussi dĂ©taillĂ© des travaux Ă venir l'an prochain, pour plus de euros, pour lutter contre les suite aprĂšs la publicitĂ© Prison de Fresnes le rapport complet du contrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ© Avec AFP
Lamaison centrale de Clairvaux est une maison centrale française située sur le territoire de la commune de Ville-sous-la-Ferté, dans le département de l'Aube et dans la région Grand Est.L'établissement est établi sur le site de l'abbaye de Clairvaux depuis 1804 [1]. L'établissement dépend du ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg.
DĂ©tenu Ă Fresnes entre 2015 et 2017, M. T. a fait condamner lâĂ©tablissement pour ses cours de promenade indignes. Afin de prendre la mesure de la situation et des travaux quâil convient de rĂ©aliser, les magistrats ont dĂ©cidĂ© de se rendre sur place. Lâancien dĂ©tenu repasse avec eux les portes de la prison, cette fois en homme libre, et en position de demander des comptes Ă lâadministration pĂ©nitentiaire. RĂ©cit dâune visite exceptionnelle. Dans sa requĂȘte, M. T. avait notamment pointĂ© lâexiguĂŻtĂ© des cours par rapport au nombre de dĂ©tenus, lâabsence de points dâeau et dâurinoir, lâabsence dâabri et dâassises, ainsi que lâabsence de surveillance pendant la promenade. LâĂ©tat de dĂ©labrement et dâindignitĂ© des cours avait par ailleurs Ă©tĂ© rĂ©guliĂšrement signalĂ© par les instances de contrĂŽle française et europĂ©enne le ComitĂ© europĂ©en pour la prĂ©vention de la torture CPT et le ContrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ© CGLPL avaient entre autre signalĂ© la prĂ©sence importante de rats et les consĂ©quences pour les dĂ©tenus, qui ne sâasseyent plus au sol dans les cours de promenade, mais doivent se contenter de sâaccroupir ou de sâadosser, et lorsquâelles veulent jouer aux cartes, elles ne les posent pas par terre mais dans les mains dâun codĂ©tenu, qui servent de table de jeu »[1]. Les cours de promenade de la maison dâarrĂȘt de Fresnes ©GrĂ©goire Korganow/CGLPL Dans la salle de crise RĂ©unis dans la salle de crise » de Fresnes, on sâinstalle pour une vĂ©ritable confrontation le requĂ©rant et la dĂ©fense dâun cĂŽtĂ© nous, quatre magistrats, et toute lâadministration pĂ©nitentiaire en face â il y a le ministĂšre, la DAP, la DI[2] et la direction de Fresnes. Câest lĂ que je me rends compte que lâadministration a vraiment mis les bouchĂ©es doubles il y a du monde. On sent une grosse tension. Personnellement, Ă ce moment-lĂ , je me dis que jâai dĂ©jĂ gagnĂ©, parce que lâadministration est en stress, parce quâelle va recevoir des magistrats et quâelle sait quâelle est en tort. Le prĂ©sident explique tout de suite quâil vient pour voir sur place ce quâil est concrĂštement possible de faire il semble clair que pour lui, il est hors de question de revenir sur le fait que des travaux seront exigĂ©s. Ăa a assez durĂ© ma requĂȘte date de 2015, on est en 2018. Mais il veut que ce soit une dĂ©cision pragmatique. Il y a justement dans cette piĂšce une grande photo aĂ©rienne de Fresnes sur laquelle on voit trĂšs bien toutes les petites alcĂŽves des promenades â il y en a plus de 140. Elles sautent aux yeux, comme une anomalie sur la photo un espace trĂšs petit dans un grand ensemble. Le prĂ©sident demande alors si câest spĂ©cifique Ă Fresnes. La responsable du parc immobilier lui rĂ©pond par un speech de quinze minutes qui endort tout le monde, expliquant que lâadministration a toujours Ă©tĂ© dâaccord pour faire des travaux mais quâil faut les intĂ©grer dans un projet dâensemble qui porterait sur toute la rĂ©gion parisienne autrement dit, si on prĂ©voit des travaux Ă Fresnes, il faut aussi en prĂ©voir Ă Fleury, et ainsi de suite⊠et que le tout soit inscrit dans un grand calendrier. Moi, pendant ce temps, je boue intĂ©rieurement. Lâadministration joue le jeu du flot dâinformations inutiles, comme quand des journalistes ou des parlementaires viennent, elle sort de grands discours qui ne correspondent absolument pas Ă la rĂ©alitĂ©. Alors que trĂšs concrĂštement, il y a des libertĂ©s fondamentales en jeu, on sâĂ©gare dans des considĂ©rations techniques. On a des gens qui souffrent autour de nous. Quâest-ce quâon peut faire pour les soulager ? Mettre des bancs, des robinets ? VoilĂ , parlons de ça ! Mon avocat la reprend Si nous sommes venus aujourdâhui, ce nâest pas pour entendre le discours habituel de lâadministration mais pour trouver une solution. TrĂšs concrĂštement, est-ce quâabattre les murs, ce nâest pas une solution ? » Le directeur technique Ă©voque alors le problĂšme des canalisations ». â Il y a des canalisations dans les murs ? â Non, en sous-sol. â Alors si câest en sous-sols, on peut casser les murs ? Ils sont obligĂ©s de reconnaĂźtre que câest possible. En promenade Le premier dĂ©tail marquant, câest que la prison est trĂšs propre â câest tellement propre que tout le monde se regarde, Ă©tonnĂ©, parce quâils connaissent la rĂ©putation de Fresnes ! Les abords aussi sont propres. Dans cet espace de dix-quinze mĂštres, semi-bĂ©tonnĂ©, qui est juste en dessous des fenĂȘtres et qui sĂ©pare le bĂątiment des cours de promenade, dâhabitude il y a toute la bouffe que jettent les mecs par les fenĂȘtres, et il y a tous les rats, câest extrĂȘmement sale. Ce que jâai connu ultra dĂ©gueulasse, lĂ câest nickel, ça a Ă©tĂ© trĂšs bien nettoyĂ©. Une cour de promenade de la maison dâarrĂȘt de Fresnes © Bernard Bisson/Divergence On rentre dans la premiĂšre promenade, une grande promenade, comme je le fais remarquer au prĂ©sident. Ce qui est intĂ©ressant â enfin, intĂ©ressant⊠â câest quâil y a des bouteilles remplies dâurine dans la cour puisquâil nây a pas dâurinoirs, les mecs, pendant leur promenade, ils font pipi dans des bouteilles et les jettent par-dessus le mur, dans la cour voisine. Aux fenĂȘtres, des mecs criaient Câest pas comme ça dâhabitude, câest dĂ©gueulasse, il y a des rats, lĂ ils ont tout lavĂ©, on nâa pas de draps⊠». La litanie des plaintes. Je pense que câĂ©tait un peu impressionnant pour les magistrats et pour lâadministration. On ne sâest pas retrouvĂ©s devant un Ă©tablissement vide, on Ă©tait vraiment dans le rythme de la prison. Moi ça mâa rappelĂ© ce que jâavais oubliĂ© câest extrĂȘmement bruyant, toute la journĂ©e â et ce nâest pas du petit bruit⊠Tu as en permanence dix ou quinze voix de mecs en train de crier. Toute la dĂ©lĂ©gation est curieuse, pose des questions, regarde, trĂšs attentive. MĂȘme les gens de lâadministration pĂ©nitentiaire, on ne les sent pas Ă domicile, on les sent en visite, ils nâosaient mĂȘme pas lever les yeux. Craintifs. Je trouve ça un peu bizarre, puisque normalement câest chez eux tu es membre de lâadministration pĂ©nitentiaire, tu rentres dans une prison, tu ne regardes mĂȘme pas les gens. Si mĂȘme toi tu as peur en prison⊠Lâadministration joue le jeu ils nous amĂšnent lĂ oĂč on le demande, et le directeur de Fresnes rĂ©pond aux questions, il nâessaye pas de tricher. On va donc ensuite dans une promenade plus petite, et je dis aux membres de la dĂ©lĂ©gation â ils sont une vingtaine VoilĂ , imaginez-vous Ă vingt dans cet espace tous les jours, en sachant que chacun a des besoins â marcher, courir⊠Vous devez vous organiser lĂ -dedans sans que ça crĂ©e dâincidents. » Quand on est rentrĂ©s dans la deuxiĂšme promenade, le prĂ©sident a demandĂ© si les murs de sĂ©paration Ă©taient Ă©pais, dans lâidĂ©e de les dĂ©truire, jâimagine. Alors pour lui montrer que ce nâĂ©tait pas trĂšs Ă©pais, jâai fait ce quâon fait quand on veut appeler la promenade dâĂ -cĂŽtĂ© jâai tapĂ© fort avec la paume, et tout le monde a entendu que câĂ©tait tout fin et possible de casser. Les magistrats posent des questions, ils regardent. Le prĂ©sident voulait savoir quand est-ce quâon lavait les cours de promenade Ă grande eau. Il y a des rats, lâidĂ©al serait de nettoyer tout le temps â et câĂ©tait aussi lâidĂ©e de mon avocat, de demander Ă intensifier encore le nettoyage Lâeffort que vous avez fait pour ce soit propre aujourdâhui, câest ce quâon aimerait tout le temps. » Le directeur a alors expliquĂ© que câĂ©tait impossible parce que les sols nâĂ©taient pas tous bĂ©tonnĂ©s, mais aussi parce que les Ă©vacuations des eaux avaient Ă©tĂ© bouchĂ©es pour bloquer le passage des rats. Il y a bien la pente pour que lâeau ruisselle, mais câest bouchĂ© ! Et câest pareil quand il pleut ça fait des mares dans le fond. Or, câest dans le fond quâil y a lâabri. Donc soit tu tâabrites et tu as les pieds dans lâeau, soit tu ne tâabrites pas ! On va aussi voir un espace qui sĂ©pare les deux rangĂ©es de promenade et les bĂątiments, une grande cour qui sert Ă faire du sport. Câest intĂ©ressant parce que lâadministration semblait dĂ©crire lâĂ©tablissement comme un lieu oĂč il nây a pas dâespace. Quand le directeur a fait sa petite prĂ©sentation, avec la photo, Ă aucun moment il nâa dĂ©signĂ© cette cour. Mais sur place, on voit de grands espaces amĂ©nagĂ©s, avec des petits oliviers partout, du gazon synthĂ©tique, une quarantaine de mecs qui jouent au foot⊠Je prĂ©cise alors que câest bien beau dâavoir de grands espaces, encore faut-il pouvoir y accĂ©der le sport, câest rĂ©servĂ© Ă quelques privilĂ©giĂ©s. Il y en a qui attendent six mois pour pouvoir y aller, dâautres, le lendemain de leur arrivĂ©e, ils sont inscrits. La surveillance On a visitĂ© le premier systĂšme de surveillance une guĂ©rite qui longe toutes les promenades et Ă lâintĂ©rieur de laquelle se trouve un surveillant pour dix ou quinze promenades. Une fois lĂ -haut, le dĂ©ficit est flagrant le surveillant est tout seul, et il y a quinze courĂ©es quâon voit en plongĂ©e, avec une quinzaine de mecs par promenade, et de la tension. VoilĂ , ça câest Fresnes. La dĂ©lĂ©gation a pu voir ça, et câest bien. Ils se faisaient interpeller par les mecs, le surveillant Ă©tait dĂ©bordĂ©, il ne pouvait rien faire. Sâil y a vraiment un incident, le temps quâil rĂ©agisse, le mec a le temps de mourir. Normalement, dans chaque promenade il y a deux camĂ©ras. Alors aprĂšs, on est allĂ© dans la salle de contrĂŽle vidĂ©o câest une piĂšce qui est situĂ©e Ă lâentrĂ©e de la prison, qui tient aussi lieu de parloir pour les avocats et qui est habillĂ©e dâĂ©crans, eux-mĂȘmes sous-divisĂ©s en plusieurs Ă©crans. Tu peux voir lĂ Ă peu prĂšs toute la vie de la dĂ©tention. Le prĂ©sident a demandĂ© Ă voir lâĂ©cran qui correspond aux camĂ©ras de la promenade⊠Mais il y avait tous les Ă©crans de la prison sauf ceux des promenades ! Ils sont ailleurs, dans une piĂšce exiguĂ« le PIC [poste dâinformation et de contrĂŽle]. Le PIC, câest lâendroit oĂč lâon gĂšre lâouverture des portes câest un endroit oĂč la personne qui surveille nâest jamais tranquille. Je ne vois pas comment la surveillante peut en mĂȘme temps gĂ©rer le PIC et surveiller les promenades, câest impossible ! Elle doit ĂȘtre trĂšs vigilante sur qui passe, demander les badges⊠Et sâil y a un problĂšme en dĂ©tention, elle est responsable. Pourtant, câest lĂ -bas quâon a mis les Ă©crans de surveillance des promenades, câest la preuve quâon sâen fout un peu de ce qui se passe dans les promenades. Câest aussi dans cette piĂšce quâil y a les enregistreurs on comprend que les camĂ©ras servent uniquement en cas dâincident. Ce nâĂ©tait pas une visite anodine » Ă la fin de la visite, tout le monde est bien marquĂ©, ça se voit physiquement â ce qui nâest pas plus mal en fait, pour quâils comprennent bien. Eux ils y passent deux heures, mais il y a des gens qui passent toutes leurs journĂ©es comme ça. Et de toute façon, lâadministration ne conteste absolument pas le fait que ce soit inhumain ! Câest ça qui rend le truc encore un peu plus rĂ©voltant. On sait que la situation nâest pas normale du tout, et on ne fait pas ce quâil faut pour lâarranger. Moi, pendant ce temps, jâessayais de compenser tout ce que ce retour en prison provoquait en moi en me disant que jâĂ©tais lĂ pour quelque chose, et que jâavais rĂ©ussi quelque chose. Je suis venu parce que jâai fait cette action en justice pour demander la mise aux normes des cours de promenade, et ça va servir. Câest lĂ que jâai compris que la vengeance, ce nâest pas que nĂ©gatif. Parce que ça tient en vie tant quâon ne lâa pas. Ensuite, quand ça arrive, ça devient une revanche. Je pensais que ça me ferait plus, en fait, mais quand mĂȘme, câest un sentiment incroyable ! Et Ă partir du moment oĂč tu vis ce genre de choses, tu ne peux que refaire confiance au droit. Et quand tu refais confiance au droit, ça veut dire que tu reviens dans le systĂšme. Le droit protĂšge. Et quand tu es en dĂ©tention, tu es faible. Ăa a lâair anodin, mais pour moi cette dĂ©cision elle est importante, et elle pourrait aussi ĂȘtre importante pour dâautres. Elle redonne confiance dans le systĂšme, et ça câest Ă©norme, ça vaut tout. Une sensation Ă©norme Ce sentiment de revanche, je lâavais dĂ©jĂ connu par le passĂ©, quand jâĂ©tais en maison dâarrĂȘt Ă Douai. Jâai un peu rĂ©glĂ© mes comptes avec certains surveillants qui avaient des pratiques bizarres, et jâai rĂ©ussi Ă leur faire connaĂźtre ce quâils nous font connaĂźtre, câest-Ă -dire Ă les mettre dans une situation oĂč ils doivent rendre des comptes devant les forces de lâordre. CâĂ©tait en 2004, une histoire de trafic de tĂ©lĂ©visions et de rĂ©frigĂ©rateurs, une sĂ©rie de combines. Ils se sont fait arrĂȘter devant la prison, ils ont Ă©tĂ© enfermĂ©s en garde Ă vue, et moi, en tant que plaignant, jâĂ©tais enfermĂ© aussi, avec eux, mais jâavais la chance dâĂȘtre dans une cellule de laquelle je pouvais voir les Ă©crans qui filmaient leurs cellules. Je les ai donc vus en garde Ă vue. Câest une sensation Ă©norme â câest primaire, câest bidon, mais ça fait du bien ! Parce quâils Ă©taient comme nous, angoissĂ©s ou dĂ©truits, certains faisaient les cent pas, certains pleuraient, certains Ă©taient assis prostrĂ©s⊠Le bruit, lâodeur et le temps Si je voulais me concentrer sur moi-mĂȘme, sur ce que je ressentais, câĂ©tait oppressant. Alors jâai vĂ©cu la visite comme un touriste. Mais les premiers trucs qui me revenaient, câĂ©taient les bruits et les odeurs. Et immĂ©diatement, la pensĂ©e dâaprĂšs, câest pendant combien de temps ? Le cheminement câest bruits, odeurs, visages, atmosphĂšre, et la question de la durĂ©e. Ăa te prend, câest une angoisse qui monte. Câest une angoisse que tous les taulards ont, mais peu en parlent. Quand tu penses prison, câest nĂ©cessairement rapportĂ© au temps ça fait combien de temps que je suis lĂ ? Dans combien de temps je sors ? Dans combien de temps jâai parloir ? Dans combien de temps la promenade ? Ăa va durer combien de temps ? Il reste combien de temps de promenade ? Dans combien de temps jâai mon rendez-vous ? Dans combien de temps vient me chercher le surveillant ? Câest toujours du temps, mais sur lequel tu nâas aucune maĂźtrise. Jâai tellement vĂ©cu ça⊠Tu as lâimpression que tu es reparti dedans. Alors tu te rassures en te disant Je vais sortir. » [1] CGLPL, Recommandations en urgence relatives Ă la maison dâarrĂȘt des hommes du centre pĂ©nitentiaire de Fresnes, novembre 2016. [2] Direction de lâadministration pĂ©nitentiaire et Direction interrĂ©gionale des services pĂ©nitentiaires.
Lundi8 aoĂ»t 2016, Manuel Valls, Premier ministre et Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice, se sont rendus Ă la maison dâarrĂȘt de NĂźmes. Lâoccasion de rencontrer les personnels pĂ©nitentiaires et de leur tĂ©moigner leur soutien. La visite de la maison d'arrĂȘt de NĂźmes a permis dâaborder la question de la
Dans ses recommandations en urgence publiĂ©es ce matin au Journal officiel, la contrĂŽleure gĂ©nĂ©rale des lieux de privation de libertĂ© CGLPL dĂ©nonce la situation accablante de la maison d'arrĂȘt pour hommes de Fresnes et somme le garde des Sceaux de tableau est, sans surprise, apocalyptique. La prison de Fresnes, l'une des plus cĂ©lĂšbres de France construite Ă la fin du XIXe siĂšcle, est un concentrĂ© de saletĂ©, de promiscuitĂ© et de violence. Les douze contrĂŽleurs des lieux de privation de libertĂ© qui ont visitĂ© cet Ă©tablissement pĂ©nitentiaire du Val-de-Marne entre le 3 et le 14 octobre 2016 en sont ressortis avec une longue liste de dysfonctionnements» et d'atteintes aux droits de l'homme». Une fois n'est pas coutume et signe de la gravitĂ© de la situation, le CGPLP a mĂȘme dĂ©ployĂ© la procĂ©dure de recommandations en urgence» pour la huitiĂšme fois en neuf ans d'existence de cette instance les prĂ©cĂ©dents concernent des Ă©tablissements pĂ©nitentiaires de Strasbourg, Marseille ou NoumĂ©a. Cette situation est inacceptable, cela ne peut pas durer. C'est au-delĂ de ce que nous constatons ailleurs. Nous demandons au garde des Sceaux d'y mettre fin le plus vite possible», a dĂ©clarĂ© Adeline Hazan, la contrĂŽleure gĂ©nĂ©rale des lieux de privation de libertĂ©, mercredi matin, lors d'une confĂ©rence de presse. Elle a rappelĂ© que les conditions indignes de dĂ©tention Ă Fresnes Ă©taient une violation de l'article 3 de la convention europĂ©enne des droits de l'homme interdisant les traitements inhumains ou dĂ©gradants».Une cellule de la prison de Fresnes, en 2016. Photos JC HanchĂ©. ContrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ©ExcrĂ©ments de rats et punaises de litA la maison d'arrĂȘt pour hommes de Fresnes, c'est avant tout la surpopulation qui est alarmante avec actuellement 202% d'occupation, la prison est en surchauffe. Parmi les 2 689 dĂ©tenus qui purgent leur peine, seuls 13% bĂ©nĂ©ficient d'une cellule individuelle tandis que la plupart s'entassent Ă deux ou trois dans un espace qui ne dĂ©passe jamais 10 m2. Dans ces cellules, une fois dĂ©duite l'emprise des lits trois lits superposĂ©s, des toilettes et de la table, trois personnes doivent alors vivre dans un espace d'Ă peine 6 mÂČ, bien infĂ©rieur aux normes fixĂ©es par le ComitĂ© europĂ©en de prĂ©vention de la torture CPT», rappelle le compte rendu. Lorsque les prisonniers quittent leur geĂŽle, c'est pour rejoindre des lieux tout aussi exigus. Par exemple, les parloirs sont des boxes d'1,3 Ă 1,5 mÂČ, sans aĂ©ration et dont les murs sont recouverts de crasse et de salpĂȘtre. Parfois les visiteurs y prennent place Ă trois ou quatre. Quant Ă la cour de la promenade, accueillant jusqu'Ă 25 personnes dans 45 mÂČ, elle ne dispose ni de bancs ni de toilettes. Les personnes dĂ©tenues urinent dans des bouteilles qu'elles projettent ensuite par-dessus les murs», est-il Ă©crit. Une premiĂšre visite avait dĂ©jĂ eu lieu dans l'Ă©tablissement en 2012 mais la situation a considĂ©rablement empiré».Cour de la prison, en 2016. Photos JC HanchĂ©. ContrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ©A lire aussi Cellules individuelles retour d'une promesse perpĂ©tuelleDans les coursives ou Ă l'extĂ©rieur, les dĂ©tenus cĂŽtoient de nombreux rats qui ne s'effraient plus, depuis longtemps, de la prĂ©sence des pensionnaires humains Les rats Ă©voluent en masse au pied des bĂątiments, dans les cours de promenade et aux abords des bĂątiments tout au long de la journĂ©e [âŠ] L'odeur persistante de leur pelage, de leurs excrĂ©ments et de leurs cadavres, s'ajoute Ă celle des amas d'ordures qui jonchent le pied des bĂątiments.» Il faut aussi mentionner les punaises de lit dont l'Ă©tablissement est infestĂ©. Selon le rapport, entre mars et octobre 2016, 281 cas ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s Ă l'unitĂ© sanitaire 10% des consultations. En octobre dernier, le tribunal administratif de Melun a d'ailleurs condamnĂ© l'administration pĂ©nitentiaire Ă prendre des mesures pour Ă©radiquer les nuisibles prolifĂ©rant dans la maison d'arrĂȘt. A l'Ă©poque, les tĂ©moignages recueillis par l'Observatoire international des prisons OIP, Ă l'origine de cette procĂ©dure en rĂ©fĂ©rĂ© libertĂ©, offraient dĂ©jĂ un aperçu de l'insalubritĂ© ambiante. Les excrĂ©ments de rats jonchent le sol en plus des dĂ©tritus. Il y a plusieurs trous dans le fond de la cour et un trou dans le grillage de la porte, cela permet aux rats de traverser la cour de promenade pendant que nous y sommes. Un dĂ©tenu a eu la surprise de voir un rat lui passer sous le corps pendant qu'il faisait des pompes», racontait un prisonnier. Les douze contrĂŽleurs en colĂšre confirment le diagnostic, photos Ă l'appui. On y voit des myriades de rongeurs envahir un espace de promenade jonchĂ© de dĂ©tritus. La rĂ©novation du centre pĂ©nitentiaire de Fresnes constitue une urgence. [âŠ] Des mesures de dĂ©ratisation et de dĂ©sinsectisation d'ampleur doivent ĂȘtre immĂ©diatement rĂ©alisĂ©es», insiste la contrĂŽleure dans ses lire aussi Rats Ă la prison de Fresnes l'Etat doit agir, selon la justiceClimat de tension permanente»Les surveillants pĂ©nitentiaires, en nombre insuffisant, semblent dĂ©passĂ©s par la situation Un surveillant d'Ă©tage, seul pour prendre en charge 120 personnes, ne peut matĂ©riellement effectuer tous les mouvements nĂ©cessaires pour permettre aux personnes dĂ©tenues de se rendre aux activitĂ©s, soins ou rendez-vous prĂ©vus, et moins encore rĂ©pondre aux demandes». Dans ce climat de tension permanente», les contrĂŽleurs ont notĂ© un usage banalisĂ© de la force» de la part de certains surveillants. Il suffit d'Ă©voquer cette scĂšne Ă laquelle a assistĂ© l'un d'entre eux Un contrĂŽleur a vu une personne dĂ©tenue ĂȘtre, suite Ă un "blocage" sans violence, immĂ©diatement maĂźtrisĂ©e par la force, puis conduite au quartier disciplinaire dans une position douloureuse, alors mĂȘme qu'elle ne se dĂ©battait pas. Un coup de pied lui a Ă©tĂ© assĂ©nĂ© alors qu'elle Ă©tait immobilisĂ©e.»Salle d'attente, dans la prison de Fresnes, en 2016. Photos JC HanchĂ©. ContrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ©Dans sa rĂ©ponse du 13 dĂ©cembre 2016, le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas s'est empressĂ© de rappeler le programme immobilier pĂ©nitentiaire lancĂ© par le gouvernement en octobre 2016 â 33 nouveaux Ă©tablissements â censĂ© aboutir Ă ce qui n'a Ă©tĂ© jusqu'Ă prĂ©sent qu'une chimĂšre l'encellulement individuel. L'Ă©tablissement de Fresnes bĂ©nĂ©ficiera ainsi directement des avancĂ©es permises par ce programme», prĂ©cise le courrier. Il insiste sur certaines mesures qui ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© prises quant aux conditions d'hĂ©bergement» l'achat de 650 armoires, le cloisonnement des sanitaires, le ramassage des dĂ©chets une fois par jour ou encore le renouvellement des tabourets dans les cabines parloirs». Ce qui peut sembler dĂ©risoire face Ă l'ampleur du chantier⊠Le ministre Ă©voque Ă©galement les sommes qui seront dĂ©bloquĂ©es dans la guerre aux nuisibles suite Ă la condamnation de l'administration pĂ©nitentiaire en octobre dernier 151 000 euros pour le bĂ©tonnage des zones sableuses, 776 100 euros pour remplacer les caillebotis et l'appel Ă un prestataire extĂ©rieur pour la dĂ©sinsectisation des cellules. Sans parvenir Ă convaincre davantage. Le garde des Sceaux ne conteste pas la situation â ce qui aurait Ă©tĂ© difficile â mais je ne trouve pas ses rĂ©ponses Ă la hauteur des enjeux Ă©voquĂ©s», a dĂ©noncĂ© Adeline Hazan. Lors de ses prĂ©cĂ©dents discours sur le monde carcĂ©ral, Jean-Jacques Urvoas a plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ© que la prison n'est pas une peine, c'est le lieu oĂč l'on purge une peine». Sauf Ă Fresnes, conviendrait-il d'ajouter.
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